La Belge souspire
 

Ce double-sonnet figure dans la préface de L'Anatomie du corps politique comparé au corps humain...., essai politique publié en 1581 par Paul Dumont chez Jean Bogard, imprimeur à Douai (Bibliothèque de Douai, cote D 1581/3). Paul Dumont (1532-1602) est le traducteur de plus de vingt ouvrages édités entre 1568 et 1602. Il s'agit pour l'essentiel de livre de mystique et de piété religieuse s'inspirant dans l'esprit de la Contre-Réforme. L'Anatomie du corps politique, un opuscule écrit vers 1560 par un théologien parisien Jean Michel, est l'une des rares publications à caractère politique de Dumont.
En dépit de ses piètres qualités littéraires, ce poème est une illustration intéressante de l'état d'esprit des habitants du sud des Pays-Bas peu après la paix d'Arras.

Frédéric Duquenne


« Jean Cliquet, Arthisien, à Paul du Mont, son singulier amy »

« Quinze ans sont ecoulez, que la Belge souspire,
Miserable vivant dessou l'afflication,
qu'elle meine la guerre à sa perdiction,
Et fiere contre soy ses entrailles dechire,

Que sotte elle se mange & aveugle en son ire
Deffaict cruellement sa generation,
Qu'elle esmeut tout le monde à grand'compassion,
De la voir endurer un si cruel martire

Las! Qui sans larmoier, pourroit entendre ou dire
La grandeur de son mal? Je ne sçay nation
Qui ait jamais senty si grande oppression,
Et veu moins deserance à ses miseres luire?

L'hereticque poison perversement luy tire
la raison & les sens, & la rebellion
Du peuple factieux ne veut qu'elle respire.

Ah! Qui sera celuy tant experimenté,
Qui nous vient asseurer de luy donner santé?
Or qu'elle est delaissé de toutte ayde humaine,

Je n'en cognoisse pas dessou le ciel vouté
Qui la puisse guerir: Seulement la bonté
De Dieu a le pouvoir le mettre hors de peine.

Doncques pauvres Belgeois priez ce Medecin,
Retournez vous à luy d'un coeur contrit, affin
Que vostre affliction & voz miseres cessent;

Car si par pentience on ne tu' le venin
Qui sustente noz maux, ie ne voy pas de fin
Aux tribulations qui si fort nous oppressent »